Avis & parutions

25/01/2019 – DROIT DES FONCTIONNAIRES DE L’EDUCATION NATIONALE : CONFLIT PARENTAL SUR LE CHOIX DE L’ECOLE

Lorsque l’autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents à la suite d’un divorce ou d’une séparation cela signifie qu’ils doivent prendre ensemble :

  • les décisions importantes concernant la santé,

  • l’orientation scolaire,

  • l’éducation religieuse

  • le changement de résidence de l’enfant

  • s’informer réciproquement, dans le souci d’une indispensable communication entre les parents, sur l’organisation de l’enfant ( vie scolaire, sportive, culturelle, traitements médicaux, loisirs, vacances etc…)

  • permettre la libre communication de l’enfant avec l’autre parent dans le respect du cadre de vie du conjoint.

    Ces principes rappelés par le Code Civil et la jurisprudence sont souvent bafoués pour de multiples raisons par l’un ou l’autre des parents, voire par les deux.

    L’enseignant qui se trouve fréquemment au cœur de ces conflits ne doit pas s’immiscer dans ces désaccords qui pour être tranchés sont de la seule compétence du Juge aux Affaires Familiales.

    De telles difficultés, surgissent fréquemment à la rentrée des classes, au retour de vacances ou lorsque l’un des parents change en cours d’année son domicile, y compris dans un autre département et souhaite alors inscrire l’enfant dans la nouvelle école qu’il aura choisie.

    Le parent le plus diligent devra alors saisir le Juge aux Affaires Familiales en urgence par la voie de la procédure de référé pour qu’il soit statué sur la nouvelle résidence et le choix de l’établissement scolaire de l’enfant.

    Au terme de l’article 373-2-11 du Code Civil le Juge, peut arrêter son choix entre les écoles qui lui sont proposées et prendra en considération :

  • la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure.

  • les sentiments exprimés par l’enfant mineur entendu par le Juge ou par une personne désignée par lui à cet effet.

  • l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre.

  • Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant,

  • Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales.

    Après avoir entendu toutes les parties convoquées et assistées éventuellement de leurs avocats, le Juge ordonnera l’inscription de l’enfant dans l’une des deux écoles qui lui aura été proposée et autorisera le parent qui l’a demandé à procéder à cette inscription.

    Cette décision sera exécutoire immédiatement même si un appel est interjeté par l’autre partie. Les chefs d’établissements ou directeur (trice) pourront normalement exiger une copie du dispositif du jugement.

    Enfin dans tous ces conflits particulièrement sensibles, il n’est pas recommandé de délivrer une quelconque attestation qui donnerait le sentiment que l’établissement scolaire a pris partie pour l’un des deux parents…

    A relever enfin que la loi du 4 mars 2002 prévoit expréssément que le Juge, s’il en est saisi, peut ordonner dans le même temps l’inscription sur le passeport des parents de l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents.

25/01/2019 – DROIT DES FONCTIONNAIRES DE L’EDUCATION NATIONALE : HARCELEMENT SCOLAIRE

Préambule :

Insultes, violences physiques répétées et même rackets, sont les modes de harcèlement les plus fréquents qu’ont à subir certains élèves et qu’ont à connaitre certains professionnels de l’enseignement au sein de leur classe ou de leur établissement.

Pour autant, les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication « NTIC » comme les téléphones portables ou les réseaux sociaux numériques(ex : FACEBOOK, TWITTER, YOUTUBE, SNAPCHAT, INSTAGRAM), sont venues amplifier depuis ces dernières années le phénomène du harcèlement entre élèves, celui-ci se poursuivant désormais au-delà du simple périmètre scolaire.

Ainsi, ce cyberharcèlement peut prendre la forme de moqueries rendues publiques sur le net, de piratage de comptes sociaux, voir même, d’usurpation d’identité ou bien encore, de publication de photos ou vidéos non désirée par la victime.

C’est dans ce contexte qu’à partir de 2011, l’Education Nationale s’est saisie de ce fléau.

A – SUR LES ACTIONS MENEES PAR L’EDUCATION NATIONALE POUR COMBATTRE LE HARCELEMENT SCOLAIRE :

Face à ce problème grandissant, l’Education Nationale a organisé les 2 et 3 mai 2011 des assises sur le harcèlement à l’Ecole et à lancer à partir de 2012, une campagne destinée à combattre ce phénomène.

Parallèlement, le ministère de l’Education Nationale a signé en 2011, un partenariat avec l’association e-enfance laquelle, a elle-même noué des partenariats avec plusieurs réseaux sociaux (FACEBOOK, TWITTER, YOUTUBE, SNAPCHAT, INSTAGRAM)

A partir de Mai 2012, Vincent PEILLON alors Ministre de l’Education Nationale, a décidé de mettre en place une délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire ainsi que des assistants de prévention et de sécurité répartis dans les zones les plus sensibles.

De même, par la loi du 8 juillet 2013, l’ancien Ministère a demandé à ce que chaque école et chaque établissement mettent en place une politique préventive contre le harcèlement.

En complément de ce dispositif, Vincent PEILLON a également présenté le 26 novembre 2013, une nouvelle campagne qui ciblait la cyberviolence et le cyberharcèlement à travers une série de mesures à destination des élèves et des professionnels de l’enseignement.

Par la suite, Najat Vallaud-Belkacem a orchestré à partir de 2014, plusieurs campagnes de communication sur le sujet avec des clips marquants, comme celui qui mettait en scène des personnalités victimes de harcèlement dans leur enfance.

De même, sous la mandature de Najat Vallaud-Belkacem, il a été décidé à partir de 2015, d’organiser chaque premier jeudi de novembre une Journée nationale contre le harcèlement scolaire.

Ainsi, à l’occasion de la dernière Journée nationale contre le harcèlement scolaire organisée le 9 novembre 2017 par l’Education Nationale, le délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, est venu rappeler que les enquêtes qui existent depuis 2011, indiquent que 14 % des élèves du primaire, 12 % des collégiens et 2 à 3 % des lycéens se déclarent harcelés.

Enfin, les derniers chiffres communiqués par l’Education Nationale font état de ce qu’un peu plus de 700 000 élèves seraient actuellement victimes de harcèlement scolaire de telle sorte, qu’à l’occasion d’une séance du Sénat en date du 29 mars 2018, laSénatrice Céline Boulay-Espéronnier a attiré l’attention du Ministre de l’Education Nationale sur la nécessité de mettre en place une véritable politique de lutte contre le harcèlement scolaire.

B – SUR LE CADRE LEGISLATIF APPLICABLE AU HARCELEMENT SCOLAIRE :

1) FORMER :

En premier lieu, rappelons que la formation à l’outil numérique a été un axe majeur de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École et, à cet effet, a inséré dans le Code de l’Education les articles suivants :

Art. L. 312-9 « La formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques est dispensée dans les écoles, et les établissements d’enseignement, ainsi que dans les unités d’enseignement des établissements et services médico-sociaux et des établissements de santé. Elle comporte une sensibilisation aux droits et aux devoirs liés à l’usage de l’internet et des réseaux, dont la protection de la vie privée et le respect de la propriété intellectuelle. »

Art. L. 332-5 « La formation dispensée à tous les élèves des collèges comprend obligatoirement une initiation économique et sociale et une initiation technologique ainsi qu’une éducation aux médias et à l’information. »

Précisons concernant la responsabilité des membres de l’enseignement public face aux dommages susceptibles de résulter de l’usage scolaire des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication « NTIC », que l’Education nationale a mis en place dès 2004 un dispositif global de protection et d’éducation des mineurs à l’école qui se décline en deux volets d’une part, l’utilisation de dispositifs de filtrage et de contrôle et, d’autre part, l’éducation ainsi que la responsabilisation des élèves.

 

2) TRAITER:

Il convient également de rappeler que la loi du 8 juillet 2013 préconise que chaque école et chaque établissement mettent en place une politique préventive contre le harcèlement visant à accompagner les élèves victimes et à mettre en œuvre les mesures relevant de leurs compétences destinées à faire cesser ces actes de violence qu’il s’agisse de cyberviolence, de cyberharcèlement ou de harcèlement dans sa forme plus ordinaire.

 

3) PROTEGER :

Concernant la cyberviolence et notamment le cyberharcèlement, rappelons que chaque individu dont notamment les élèves, a droit à la protection de sa vie privée sur internet comme le prévoient les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

 

4) SANCTIONNER :

Indiquons également que le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, d’injure publique, de diffamation et d’apologie de crime est prévu et réprimé par les dispositions des articles 23 et suivants de la loi du 29 juillet 1881.

De même, le délit de menaces et d’usurpation d’identité est prévu et réprimé par les dispositions des articles 222-17 et 226-4-1 du code pénal.

Enfin, depuis le vote de la loi du 4 août 2014, le harcèlement et le cyberharcèlement sont devenus des délits prévus et sanctionnés à l’article 222-33-2-2 du code pénal qui dispose que : « Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail.

Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :

1° Lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;

2° Lorsqu’ils ont été commis sur un mineur de quinze ans ;

3° Lorsqu’ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

4° Lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne. 

Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’ils sont commis dans deux des circonstances mentionnées aux 1° à 4° ».

 

C – SUR LA DERNIERE JURISPRUDENCE EN LA MATIERE : CONDAMNATION DE L’ÉTAT APRES LE SUICIDE D’UNE COLLEGIENNE VICTIME DE HARCELEMENT SCOLAIRE : TA VERSAILLES 26/01/2017

Victime de harcèlement dans son collège de l’Essonne, il y a quatre ans, la jeune Marion Fraisse, 13 ans, s’était donnée la mort chez elle par pendaison.

Dans un jugement du 26 janvier 2017, le Tribunal Administratif de Versailles a reconnu l’Etat partiellement responsable du drame et, en conséquence, a condamné l’Etat à verser 18.000,00 euros de dommages et intérêts à la famille de l’adolescente.

Plus précisément, le Tribunal Administratif de Versailles a reconnu l’Etat coupable de n’avoir pas détecté ni empêché le harcèlement de la jeune fille par certains de ses camarades de classe.

De même, il est également reproché à l’Etat, de n’avoir pas entendu les multiples appels à l’aide lancés par la mère de la collégienne auprès du personnel enseignant et de la direction du collège Jean-Monnet de Briis-sous-Forges.

A cet égard, le tribunal considère notamment que : « L’absence de réaction appropriée à des événements et des échanges hostiles entre élèves qui se déroulaient pour partie sur les lieux et pendant les temps scolaires caractérise un défaut d’organisation du service public de l’enseignement de nature à engager la responsabilité de l’administration ».

En outre, le tribunal souligne que : « cependant une grande partie des menaces et insultes proférées à l’égard de l’adolescente ont transité par moyens électroniques, notamment sur Facebook, et donc ont échappé au contrôle du personnel éducatif, atténuant ainsi la part de responsabilité de l’administration. » (TA VERSAILLES, 26/01/2017,N°1502910)

25/01/2019 – DROIT DES FONCTIONNAIRES DE L’EDUCATION NATIONALE : VIOLENCE SCOLAIRE & INSECURITE

Le 16 décembre 2005, une enseignante à Etampes a été frappée de plusieurs coups de couteau en plein cours, le 24 janvier 2006, un professeur du Collège Lenain-de-Tillemont à Montreuil est agrippée violemment au cou alors qu’elle essaye de faire sortir de sa classe un élève de 6ième qui n’avait rien à y faire.

Le 1er février c’est un professeur du LEP de Bobigny qui est frappé par un élève en plein cours.

Le 6 juin c’est la principale du collège Anatole France de Marseille qui est prise à partie, tirée par les cheveux par un groupe de jeunes filles venues de l’extérieur…

A chaque fois les enseignants vont exercer leur droit de retrait.

Sept ans plus tard en septembre 2012 c’est encore un Professeur agrégé de BORDEAUX qui, en plein cours, est interpellé puis frappé par un élève qui conteste son enseignement ; le droit de retrait est toujours exercé.

A quelques jours d’intervalle, c’est encore une enseignante de POITIERS qui subit une agression identique ; l’intervention vigoureuse du Ministre de l’Education Nationale, Vincent PEILLON, qui rappellera que son institution assurera la défense juridique de ces fonctionnaires et se constituera même partie civile à leurs côtés,  ne suffit pas à apaiser la colère et la peur des enseignants qui, souvent désemparés, invoquent alors «  LE DROIT DE RETRAIT » .

Devant la recrudescence des agressions dans les établissements publics, les professeurs, souvent désemparés, invoquent de plus en plus le « droit de retrait ».

 

1° – UN DROIT GARANTI PAR LE CODE DU TRAVAIL ET PARTIELLEMENT PAR LE STATUT DE LA FONCTION PUBLIQUE :

Pour le privé la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 a reconnu un droit d’alerte et de retrait au bénéfice du salarié qui a un motif raisonnable de penser que la situation dans laquelle il se trouve présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Les dispositions de la loi du 23 décembre 1982 ont été insérées à l’article L 231-8 du Code du travail.

Concernant plus particulièrement les agents de la fonction publique, le décret du 9 mai 1995 a introduit un article 5-6 dans le décret du 28 mai 1982, relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique[1].

Le droit d’alerte et de retrait s’exerce en cas de situation de danger grave et imminent 

 

2) LE DROIT D’ALERTE  PRECEDE LE DROIT DE RETRAIT :

Aux termes de l’article 5-6 du décret du 28 mai 1982 « si un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, il en avise immédiatement les autorités administratives ; il exerce ainsi son droit d’alerte.

 

3 ) –LE DROIR DE RETRAIT : UN ARRET DE TRAVAIL FACE A UN DANGER GRAVE ET IMMINENT :

Le droit de retrait s’analyse comme la suspension temporaire de l’exécution d’une tâche motivée par le danger grave et imminent qu’elle comporte. C’est un arrêt de travail sous certaines conditions de mise en œuvre qui s’inscrit dans le cadre de la prévention des risques professionnels.

L’exercice du droit de retrait est conditionné par l’existence d’un danger grave et imminent.

Tout d’abord, le danger doit représenter un certain degré de gravité. Selon la jurisprudence le danger grave est « un danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paressant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ».

Ensuite, le danger imminent peut être défini par « tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché ».

 

4) PAS DE SANCTION NI DE RETENUE DE SALAIRE

L’agent de la fonction publique qui fait valoir son droit de retrait doit percevoir sa rémunération comme s’il avait poursuivi son travail, quelle que soit la durée du retrait.

Conformément à l’article 5-6 du décret du 9 mai 1995, « Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un agent ou d’un groupe d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux. »

Par ailleurs en vertu de l’article 5-6 §4 du même décret , « l’autorité administrative ne peut demander à l’agent de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent. »

 

5) UN CONTROLE STRICTE DU JUGE ADMINISTRATIF EN CAS DE CONTESTATION:

Il appartient aux juges en cas de contestation de vérifier si le salarié a eu ou non un motif raisonnable de croire à l’existence d’un danger grave et imminent.

Une erreur du salarié quant à l’existence d’un danger grave et imminent ne constitue pas une faute sanctionnable lorsqu’il avait un motif raisonnable de croire à un danger grave et imminent. En revanche, une retenue de salaire pour absence de service peut être effectuée si l’exercice du droit de retrait a été abusif[2].

Enfin la loi n’impose aucune formalité. Le retrait peut intervenir à la suite d’une information donnée par tous moyens.

 

6) – LE DROIT DE GREVE SOUVENT OPPOSE AU DROIT DE RETRAIT :

Si les tribunaux administratifs, appliquant les principes généraux du droit, ont tendance à considérer que le droit de retrait des fonctionnaires doit s’appliquer sans restriction, comme dans le secteur privé, il n’en reste pas moins que le Conseil d’Etat ainsi que le reste des juridictions administratives et ce, y compris en matière de référé, n’ont toujours pas reconnu pour les agents publics ce principe général du droit leur permettant de se retirer de situations dangereuses. (Conseil d’État, 2 décembre 2011, n°JURIS DATA : 2011-028228)

Il en résulte que l’exercice de ce droit de retrait invoqué par les enseignants est souvent considéré par leur hiérarchie comme excessif voire abusif au regard de la réglementation. Les professeurs concernés sont alors considérés comme grévistes et subissent éventuellement des retenues de salaire.

A cet égard, indiquons que les tribunaux administratifs rejettent ainsi les demandes en restitution de salaires sollicitées par des enseignants ayant usé de leur droit de retrait, en considérant notamment, que l’exercice de ce droit n’est pas justifié par l’existence d’un danger grave et imminent.

Toutefois, même si les tribunaux administratifs se refusent d’accueillir de telles demandes, il apparaît néanmoins que le tribunal administratif de Melun a récemment ouvert de nouvelles perspectives de réparation à des enseignants en accordant à ces derniers non pas la restitution de salaires retenus, mais l’octroi de dommages et intérêts en réparation  du préjudice dit « d’anxiété » qu’ils ont subi et, dont l’État a été reconnu responsable en raison de ses carences à mettre en œuvre les mesures propres à assurer leur protection au sein de l’établissement dans lequel ils exercent.

 

7) –LE JUGE DES REFERES COMPETENT POUR PRESCRIRE TOUTES LES MESURES DE NATURE A FAIRE CESSER LE DANGER :

En s’appuyant sur l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et les libertés fondamentales qui rappellent le droit au respect de la vie, le Tribunal Administratif de CAYENNE ( ordonnance du 16 novembre 2011) a considéré que l’action ou la carence de l’autorité publique qui crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes autorise le Juge saisi en référé de prescrire toutes les mesures propres à faire cesser le danger résultant de cette carence.

Cependant dans cette même affaire le Conseil d’Etat ( arrêt du 2 décembre 2011) a rejeté les demandes visant à voir reconnaître le droit de retrait dans la mesure où les défectuosités qui étaient dénoncées dans l’école visées dans la procédure ne faisaient pas apparaître un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes.

Qu’au surplus le Juge des Référés ne pouvait utilement prendre dans un délai très bref des mesures propres à y remédier.

 

8) DU DROIT DE RETRAIT AU DROIT D’ANXIETE :

Le Tribunal Administratif de Melun a rendu, le 13 juillet 2012, une série de jugements qui ouvrent de nouvelles perspectives de réparation à des enseignants ayant exercé leur droit de retrait.

En l’espèce, dix huit enseignants d’un lycée de la commune de Vitry-sur-Seine, ont exercé durant deux semaines leur droit de retrait à la suite de l’agression par arme à feu d’un lycéen par des personnes extérieures à l’établissement.

Par la suite, ces enseignants ont saisi le rectorat de l’académie de Créteil afin de demander la restitution des sommes qui avaient été retenues sur leurs salaires pendant la durée de l’arrêt de travail.

De même, ils sollicitaient également la réparation des préjudices moraux et pécuniaires ayant résulté du refus du ministre de l’Education Nationale de leur accorder le bénéfice du droit de retrait.

Ainsi, le Tribunal Administratif de Melun a dû statuer sur deux questions étroitement liées en raison du refus du bénéfice du droit de retrait étant d’une part, la question de la restitution des sommes suite à l’exercice du droit de retrait considéré abusif et, d’autre part, la réparation du préjudice moral allégué.

Tout en refusant de faire droit à leur demande de restitution des sommes retenues au motif que les requérants ne rapportaient pas la preuve d’une situation de danger grave et imminent justifiant de cesser immédiatement le travail au titre du droit de retrait, le Tribunal Administratif de Melun a, néanmoins,fait droit à leur demande d’indemnisation du préjudice moral subi et, par conséquent, a condamné l’État à leur verser 500 euros de préjudice moral en raison des carences de ce dernier dans la mise en en œuvre de mesures propres à assurer la protection des enseignants exerçant au sein de cet établissement.

Concernant le rejet des demandes de restitution des sommes retenues, il est à retenir que cette solution, même si elle ne satisfait pas les enseignants, est assez logique en ce que comme nous avons pu le voir précédemment, le droit de retrait ne se conçoit que dans une situation de danger grave et imminent qui impose le retrait.

En l’espèce, le Tribunal Administratif de Melun a considéré que l’intrusion de personnes étrangères à l’établissement et l’agression d’un élève n’impliquent pas que les faits puissent se répéter de manière immédiate et ne créent donc pas un danger imminent pour la communauté des enseignants.

En revanche, est c’est là tout l’intérêt de cette décision, le Tribunal Administratif de Melun fait droit à la demande d’indemnisation du préjudice moral subi par les enseignants en considérant que l’administration n’a pas mis en œuvre les mesures propres à assurer la protection des membres du corps enseignant exerçant dans ce lycée.

Spécialement, le juge a estimé que l’administration n’avait pas mis en œuvre les mesures de protection nécessaires alors même qu’elle avait été alertée à diverses reprises des attaques récurrentes par des « bandes de cités du voisinage » et que le diagnostic de sécurité de l’établissement avait mis en évidence la nécessité d’installer une clôture autour du lycée.

Ainsi, le Tribunal administratif a condamné l’État à verser à chacun de ces enseignants 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de l’insécurité prévalant sur le travail, préjudice qu’il a qualifié de « préjudice d’anxiété ».

Dés lors, même si la somme à laquelle a été condamné l’État semble modeste, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une décision novatrice et ce notamment, en raison du fait que les enseignants ayant introduit ce recours n’ont, à titre personnel, subi aucune agression.


 
 

25/01/2019 – DROIT DES FONCTIONNAIRES DE L’EDUCATION NATIONALE : LES OBLIGATIONS DE L’ENSEIGNANT FACE A SA CONNAISSANCE DE TOUTES SITUATIONS PERILLEUSES

 

Préambule :

Bien que de manière générale les agents de la fonction publique soient tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le Code Pénal(articles 226-13 et suivants du Code Pénal), comme le rappelle d’ailleurs l’article 26 de la loi du 13 juillet 1983 qui définit leur statut, certaines situations périlleuses présentant un caractère suffisamment grave et dangereux, ont amené le législateur à autoriser la levée du secret professionnel.

Ainsi, concernant l’enseignant qui, en sa qualité de fonctionnaire de l’Education Nationale, est également soumis au respect du secret professionnel, la loi a prévu qu’il puisse révéler certaines informations relevant pourtant du secret auquel il est tenu, soit, par l’exercice de son droit d’alertelorsqu’il y a lieu de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé (A°), soit, par l’obligation qui lui est faite de signaler et/ou dénoncer la connaissance de toutes infractions, crimes ou délits (B°).

                                          

A –LE DROIT D’ALERTE (prélude au droit de retrait)

L’hygiène et la sécurité au travail de l’ensemble de la communauté éducative est un rappel indispensable qui permet aux agents de la fonction publique d’exercer en cas de méconnaissance grave leur droit d’alerte, voire leur droit de retrait.

C’est ainsi que le décret du 9 mai 1995 a introduit pour les agents de la fonction publique un article 5-6 relatif à l’hygiène et la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique en éditant un droit d’alerte qui précède le droit de retrait.

Le droit d’alerte qui précède le droit de retrait s’exerce si un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présent un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection.

Il en avise immédiatement les autorités administratives ; il exerce ainsi son droit d’alerte.

Il faut donc pour exercer le droit de retrait un danger grave et imminent.

Selon la jurisprudence le danger grave est un danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée.

Le danger imminent peut être défini par tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché.

L’article 5-6 du décret du 9 mai 1995 rappelle enfin : « aucune sanction, aucune retenue sur salaire ne peut être prise à l’encontre d’un agent ou d’un groupe d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux. »

 

Cela étant, à coté du droit d’alerte qui n’est qu’une faculté pour l’enseignant d’informer sa hiérarchie sur une situation de travail présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, il y a des situations ou la loi lui impose de signaler ou de dénoncer les informations dont il a connaissance.

 

B- LES OBLIGATIONS DE REVELATION

1) L’ OBLIGATION DE SIGNALEMENT (POUR LES MAUVAIS TRAITEMENTS ET LES ATTEINTES SEXUELLES SUR MINEURS)  :

L’article 434-3 alinéa 3 du Code Pénal sanctionne la non dénonciation des mauvais traitements ou des atteintes sexuelles infligés à un mineur de 15 ans.

Le monde de l’Education est particulièrement sensible à ces dispositions qui ont été renforcées par la loi du 17 juin 1998 et qui ont fait l’objet de la circulaire Ségolène ROYAL sur le signalement.

A relever que ce texte sur le signalement exonère de cette obligation les personnes astreintes au secret professionnel dans les conditions prévues par l’article 226-13 du Code Pénal, sauf lorsque la loi en dispose autrement est-il précisé.

 

C’est d’ailleurs au nom de cette réserve que la jurisprudence souligne que la loi du 10 juillet 1989 fait obligation à l’ensemble des services et établissements publics et privés susceptibles de connaître de la situation de mineurs maltraités, de signaler de tels cas dès qu’ils en ont connaissance.

En conséquence, les professionnels, sauf dans les cas où ils sont déliés de leur obligation de secret prévue à l’article 226-14 du Code Pénal (comme il sera vu par la suite), sont tenus de révéler les atteintes aux personnes dont ils ont connaissance.

C’est le cas de tous les personnels de l’Education Nationale.

              

2) LA LEVEE DU SECRET PROFESSIONNEL AUTORISEE PAR LA LOI :

L’article 226-14 du Code Pénal introduit par la loi du 2 janvier 2004 impose ou autorise la révélation du secret professionnel dans 3 circonstances :

a. en faveur des mineurs, objets d’agressions sexuelles :

La révélation de sévices ou privations, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles à l’encontre d’un mineur ou d’une personne qui n’était pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques ont été commises. A souligner que le médecin pourra porter à la connaissance de la justice les faits sans l’accord de la victime si elle est mineure.

b. à l’égard des personnes dangereuses :

Les professionnels de la santé ou de l’action sociale sont désormais autorisés à informer les Préfets du caractère dangereux des personnes qui les consulteraient et qui détiendraient une arme ou qui auraient l’intention d’en acquérir une…

c. les personnes injustement détenues ou jugées :

L’article 434-11 du Code Pénal relève du secret professionnel toute personne qui détiendrait la preuve de l’innocence d’un citoyen injustement détenu ou jugé pour crime ou délit.

 

3) L’OBLIGATION DE DENONCER LA PREPARATION D’UN CRIME :

Les dispositions de l’article 434-1 alinéa 1 du Code Pénal punissent d’un emprisonnement de 3 ans et de 45000 euros d’amende quiconque ayant eu connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes, n’en a pas informé les autorités judiciaires ou administratives.

Cela étant, l’article 434-1 du Code Pénal vient préciser aux termes de son dernier alinéa que l’obligation de dénoncer la préparation d’un crime n’est pas applicable à ceux qui sont tenus au secret professionnel de l’article 226-13 du Code Pénal à l’exception des crimes commis à l’encontre de mineurs de 15 ans.

 

4) L’OBLIGATION DE DENONCER: LA CONNAISSANCE D’UN CRIME OU D’UN DELIT

Les dispositions de l’article 40 aliéna 2 du Code de Procédure Pénale prévoient que « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

Cette mesure étant d’ordre public, elle s’impose à tous, y compris aux fonctionnaires qui sont tenus au secret professionnel de l’article 226-13 du Code Pénal à l’exception des crimes commis à l’encontre de mineurs de 15 ans.

Là encore, c’est le cas de tous les personnels de l’Education Nationale !

A cet égard, précisons que la nouvelle campagne de lutte contre le harcèlement scolaire récemment présentée par le Ministre de l’éducation nationale et qui cible notamment la cyberviolence et le cyberharcèlement entre élèves, est venue rappeler que si un élève victime de cyberharcèlement, est susceptible d’être mis en danger, le chef d’établissement après en avoir aviser les parents de l’éleve concerné, devra adresser « une information préoccupante » au président du Conseil général voir, en cas de danger grave ou imminent relevant d’un délit pénal, de dénoncer les faits au procureur de la République sur le fondement des dispositions de l’article 40 du Code de Procédure Pénale.

 

CONCLUSION:

Même si en théorie, le fonctionnaire de l’Education Nationale est sensé bénéficier d’une certaine protection résultant du fameux secret professionnel, l’exercice de ses responsabilités quotidiennes démontre à lui seul que face à des situations périlleuses tant pour lui que pour ses élèves, il est dans l’obligation d’en faire état à sa hiérarchie voire même aux autorités judiciaires sous peine de devoir répondre de poursuites pénales.  

Aussi, l’expansion des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication « NTIC » et des cyberviolences entre élèves dont, notamment, les actes cyberharclement, accentue encore un peu plus le devoir de vigilance et les obligations du fonctionnaire de l’Education Nationale qui doit les dénoncer à sa hierarchie voire aux autorités judiciaires.

Par conséquent, force est de constater que « la révélation est devenue la règle et le secret une dangereuse exception ».

25/01/2019 – MEDIATION : LA MEDIATION ET L’AVOCAT

La médiation fait partie des modes amiables de résolution des différends, et s’entend de tout processus structuré par lequel deux ou plusieurs parties tentent, volontairement, de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers neutre, indépendant et impartial : le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige.

Plusieurs textes se sont succédé pour organiser la médiation en France :

•Loi du 8 février 1995 modifiée par l’ordonnance du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur « certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale »

•Code civil : articles 255 et 373-2-10 (possibilité pour le juge de proposer en matière familiale une médiation)

•Code du Travail : Article L122-54 permettant à toute personne s’estimant victime de harcèlement moral d’envisager une médiation

•Décret n°2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends, inséré dans LIVRE V du Code de Procédure Civile.

•Code de procédure civile : articles 131-1 à 131-15 sur la médiation judiciaire

•L’ordonnance n°2015-1033 du 20/08/2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation (transposition directive européenne 2013/11 du 21 mai – Nouvel article L521-1 du Code de la consommation) – il est important de préciser que ce texte s’applique aux avocats

•Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (Focus: Art 7 qui instaure, à titre expérimental, une tentative de médiation familiale « obligatoire », à peine d’irrecevabilité, dans 10 barreaux pilotes désignés par Arrêté du 16 mars 2017 : Bayonne, Bordeaux, Cherbourg, Evry, Nantes, Nîmes, Montpellier, Pontoise, Rennes, Saint Denis de la Réunion et Tours)

•Décret n°2017-566 du 18 avril 2017 pris en application de la  loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 insère dans la partie réglementaire du code de justice administrative un chapitre III au sein du titre 1er, consacré à la médiation (article R.213-1 et suivants).

 

QUAND ?

La médiation peut être utilisée à tout moment, pour tout ou partie d’un litige.

La médiation est judiciaire lorsque les parties à un procès demandent à une juridiction la désignation d’un médiateur.

La médiation est conventionnelle lorsque les parties à un litige décident de recourir à ce cadre d’échanges entre elles, sans avoir saisi la justice, ou dans le prolongement d’une médiation judiciaire.

 

COMMENT SE DEROULE LE PROCESSUS

Judiciaire ou conventionnelle, le processus est le même, sous la maîtrise des parties, aidées par le médiateur.

La confidentialité est totale. Les parties, les avocats accompagnants et les médiateurs s’y engagent. Tout ce qui est échangé pendant le processus est couvert par la confidentialité. Il est essentiel de le rappeler dans les conventions de médiation.

Pendant la médiation, les parties, les avocats et le médiateur peuvent échanger librement, sous la conduite bienveillante et structurante du médiateur. Le principe du contradictoire ne s’applique pas. Suivant les besoins identifiés, les parties et leurs avocats peuvent transmettre des informations et des pièces au médiateur, sans les communiquer aux autres participants.

Les parties restent libres de mettre un terme à la médiation.

 

LE ROLE DES AVOCAT

Les avocats ont un rôle important dans l’accompagnement de leurs clients à la médiation. Ils aident à la prise de décision pour le recours à ce processus. Ils préparent activement avec leurs clients les différentes réunions, en ayant pris soin de travailler la meilleure solution de rechange (MESORE) dans l’hypothèse d’un échec.

Pendant les réunions, les avocats adoptent une posture nouvelle aux côtés de leurs clients, en leur laissant la parole, tout en étant vigilant sur le respect strict de la structure du processus par les autres participants, y compris le médiateur.

Les avocats doivent ainsi, par une attitude en retrait, participer à la naissance d’une solution venant des parties elles-mêmes.