A l’occasion de notre dernier billet d’actualité (LJP n°5 fev.23), nous avions eu l’occasion d’évoquer le plan d’action issu des États généraux de la Justice qui avait été présenté par le garde des Sceaux, Éric Dupont Moretti, le 5 janvier dernier.
« Faire entrer la Justice dans l’ère du numérique » tel était l’une des ambitions du Plan d’action.
Dans la foulée de celui-ci vient d’être présenté par le garde des Sceaux, le Plan de transformation numérique pour la période 2023-2027 qui comporte deux volets ; l’un à destination des acteurs de la justice et l’autre à destination des justiciables.
Le premier volet, la transformation numérique au service des acteurs de la Justice, est essentiellement destiné à améliorer de manière significative le fonctionnement des tribunaux et cours dont les personnels sont trop souvent freinés dans la réalisation de leur mission par des difficultés techniques.
Dans notre pratique auprès des adhérents de l’ASL, les avocats du réseau sont bien évidemment confrontés à ces difficultés techniques et numériques, ; il s’agit par exemple du retard voire parfois de l’absence totale de communication du dossier pénal avant l’audience car celui-ci n’est très souvent pas numérisé et que les personnels sont en sous-effectif pour le faire. Il s’agit aussi des très longs délais qui se chiffrent parfois en mois avant de recevoir nos décisions de justice et de pouvoir les communiquer aux délégataires, car ces décisions demeurent souvent « bloquées » dans l’attente d’être relues et signées par le président ou de la présidente du tribunal….
Le soutien en faveur des tribunaux et des cours d’appel pour 2023 s’articule autour de différents axes : le recrutement de 100 techniciens informatiques de proximité afin qu’un professionnel de l’informatique soit présent dans chaque ville accueillant une cour d’appel ou un tribunal judicaire ; l’amélioration du réseau afin de fluidifier l’accès à l’intranet et aux applications ; la mise en place d’un schéma type d’équipement informatique permettant à chaque juridiction d’être équipée en fonction de ses besoins en visioconférence, scanner, double écran etc…
Un autre axe du plan est l’amélioration des logiciels : Le Plan de transformation vise à réunir en un logiciel tous les logiciels civils via le seul logiciel Portalis. Ainsi, celui-ci sera généralisé à l’ensemble des conseils de prud’hommes ainsi que dans les services des affaires familiales. S’agissant des procédures pénales, le logiciel Cassiope qui existe sera refondu afin de permettre un accès unique à tous les logiciels pénaux existants.
Le projet « Zéro papier » est également un dispositif important du plan de transformation en instaurant notamment la signature électronique au civil comme au pénal ; ou encore par la mise en place de la transmission instantanée des pièces et décisions de justice en version dématérialisées ou encore de l’expérimentation courant 2023 d’Axone, le logiciel d’archivage électronique du ministère de la justice.
Outre le volet destiné à simplifier le fonctionnement des juridictions, le Plan de transformation numérique a pour ambition d’être au service des justiciables.
A cet égard, la mise en place d’une application pour smartphone visant à « mieux informer le citoyen sur ses droits et l’orienter dans ses démarches avec la Justice » est un dispositif important du Plan.
C’est chose faite avec l’application « Justice.fr » qui est activée depuis le 27 avril dernier.
Elle permet de trouver un tribunal ou un point-justice à proximité en se géolocalisant ; d’accéder aux annuaires des professionnels du droit (avocat /redirection vers le site du CNB ; notaires ; huissiers, conciliateurs) ; de consulter près de 8000 fiches thématiques sur les procédures pénales, civiles, le logement, le travail, la consommation etc… ; de calculer ses droits à travers une simulation d’une demande d’aide juridictionnelle, de pension alimentaire ou de saisie sur salaires ; ou permet encore l’information sur des services et numéros d’urgence tel que l’aide du victimes, violences femmes info
etc….
Enfin, le garde des Sceaux a annoncé que d’ici à 2024, l’application permettra aux victimes de demander une indemnisation devant un tribunal correctionnel et dans les versions futures proposera de nouvelles fonctionnalités, comme permettre une demande d’extrait de casier judiciaire ou autoriser un accès à un espace sécurisé pour suivre son affaire en ligne.
Alors, on peut s’interroger, cette application dans sa version actuelle est-elle de nature à « simplifier la vie des justiciables pour les rapprocher de leur justice » comme l’appelait de ses voeux le garde des Sceaux lors de son lancement ?
Il convient tout d’abord d’observer que la plupart de ces informations étaient déjà consultables sur le site du ministère de la justice. Par ailleurs, force est de constater que cette application ne peut être téléchargée que via un smartphone, et non pas par tous les téléphones portables, ce qui réduit le nombre de justiciables bénéficiaires de ces informations à ceux détenteurs d’un smartphone….
En tout état cause, cette application intéressante car permettant de réunir en une application une large base de données, reste toutefois à notre sens gadget, et ne remplacera jamais le conseil personnalisé et avisé du professionnel de droit qu’est l’avocat de l’autonome, pas plus que l’utilisation de l’outil qui suscite autant la fascination que l’inquiétude : « ChatGPT », qui fera assurément l’objet d’un prochain billet d’actualité !
Maître Florence LEC
Docteur en Droit
Avocat-conseil national de l’ASL